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Kilimandjaro, voie Machame
(2018)

Le Kilimandjaro, toit de l’Afrique situé en Tanzanie, fait rêver. Son ascension est un mythe, un rêve pour certains. Avec ses 5895 mètres d’altitude, il offre à son sommet neiges éternelles et glaciers. Mais les spécialistes du climat annoncent leur disparition d’ici 2050.

Il existe différentes voies pour se rendre au Pic Uhuru. J’ai choisi la voie Machame (62 km), la plus facile et la plus jolie. Si l’ascension ne présente aucune difficulté technique, elle demeure un défi "engagé" en raison du froid et de l’altitude.

Depuis 1991, il est impossible de gravir le Kilimandjaro sans guide. Le recours à une équipe locale pour le portage et la logistique est donc obligatoire. Plusieurs agences françaises proposant ce trek, j’ai opté pour HUWANS avec qui je suis déjà parti à l'étranger.

Information utile : non, les volcans du Kilimandjaro ne sont pas éteints ! Ils sont simplement en sommeil, ce qui n’est pas la même chose. On entend souvent dire que le Kibo, le Shira et le Mawenzi sont éteints, mais ils sont simplement inactifs depuis très longtemps, depuis plus de 5000 ans plus exactement.

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Source : Internet

Jours 1 et 2 : Vol et arrivée sur Arusha

Départ de Paris en vol de nuit. Nous sommes accueillis par un guide francophone et conduit à notre lodge à Arusha en fin de journée. Immédiatement, notre guide chef nous fait un briefing détaillé. Nous sommes donc 19 participants, répartis en 2 groupes. Avant le repas, préparation et pesée des sacs dont le poids est limité à 9 kg.

 

Jour 3 : Machame Gate (1800 m) - Machame Camp (2835 m)

Départ en minibus et 3 h de route pour Machame Gate (1800 m). Nous observons le mont Méru et déjà le Kilimandjaro face à nous. Nous arrivons à  Machame Gate, le point de départ de l'ascension. Après quelques formalités administratives et le déjeuner pris en commun, les 2 groupes se séparent. Nous nous retrouverons ponctuellement dans les camps lors du bivouac. Marche à travers la forêt équatoriale humide, dense et inextricable. Nous sommes entourés de podocarpus, caoutchoutiers, manguiers sauvages, fougères géantes... Nous pouvons également observer le superbe singe colobe. La forêt humide d'altitude laisse ensuite place aux hautes herbes et à la mystique lande à bruyères arborescentes. Après 5 h à un rythme lent mais obligatoire pour l’acclimatation, arrivée à Machame Camp (2835 m). La soirée, comme toutes les autres, se décompose ainsi : toilette avec une bassine d’eau chaude, dîner copieux, mesure de l’oxygène dans le sang et de la fréquence cardiaque, briefing par notre guide chef pour la journée du lendemain.

 

Jour 4 : Machame Camp (2835 m) - Shira Camp (3750 m)

Réveil à 6 h 30 avec un café bien chaud sous la tente, ensuite eau chaude pour la toilette et petit-déjeuner complet en commun. Le même rituel tous les matins. Un chemin escarpé à travers les magnifiques bruyères et leur barbe de lichen nous emmène à travers la lande d'altitude. Nous arrivons sur le plateau de Shira qui s'étend en pente douce devant nous. Nous ne voyons pas grand-chose pendant 5 h à cause de la pluie et surtout du brouillard. Dans l’après-midi, quelques explications de notre guide sur la sécurité, les bouteilles d’oxygène et le caisson hyperbare. Nuit à Shira Camp (3750 m).

 

Jour 5 : Shira Camp (3750 m) - Lava Tower Camp (4600 m) - Baranco Camp (3900 m)

Petit à petit, nous arrivons dans une sorte de désert où la flore est toujours présente dans quelques recoins. Montée régulière, pendant 5 h, jusqu'au col de Lava Tower et ses impressionnantes tours de basalte. Après le déjeuner (servi à 4600 m !), nous descendons vers Baranco via une petite brèche. C'est l'une des rares vallées du volcan formée par un effondrement. Les séneçons, arrosés par d'innombrables cascades, poussent nombreux et hauts comme des totems. Toute la journée sous la pluie et dans le brouillard, dur, dur ! Donc pas beaucoup de photos. La suite, c’est sieste, toilette, tea time et repas du soir. Nuit à Baranco Camp (3900 m), un beau campement sur un promontoire au pied d'une immense falaise. La vue plongeante sur la savane, ce sera pour une autre fois.

 

Jour 6 : Baranco Camp (3900 m) - Karanga Camp (3995 m)

Nous partons en direction de la vallée de Karanga, une nouvelle journée capitale en terme d'acclimatation. Montée de la muraille du Baranco jusqu’à 4200 m : impressionnante mais sans grande difficulté technique. Il faut parfois poser la main mais les guides sont là pour nous aider. Longue traversée par la suite, constituée de montées et de descentes sur les flancs sud du massif du Kilimandjaro. A notre gauche, les glaciers du Kibo, encore imposants, nous surplombent tandis que le sous-massif du Mawenzi est face à nous. Après 4 h de marche sous un beau soleil, nous arrivons pour un déjeuner chaud au campement de Karanga. Le vent et quelques gouttes de pluie nous empêchent de faire une petite sortie l’après-midi. Nous en profitons pour parler des pourboires destinés à l’équipe encadrante et aux porteurs.

 

Jour 7 : Karanga Camp (3995 m) - Barafu camp (4673 m) - High Camp (3950 m)

Départ à 7 h 30 après une nuit très ventée et pluvieuse. Montée difficile sur le sentier qui nous mène au camp de base du Kilimandjaro. La météo est exécrable : tempête de neige et vent très violent. Les guides n’ont jamais vu ça en 25 ans. Et là, tout part en vrille, comme on dit. Nous voyons des porteurs en sang, d’autres laissent tomber nos sacs, se déshabillent et se mettent à redescendre en courant. Pour notre part, notre guide chef, après quelques hésitations, décide de continuer jusqu’au camp de base à plus de 4600 m d’altitude. Aussitôt arrivés, il nous met rapidement à l’abri dans une pièce exiguë où tout le monde grelote de froid. L’entraide s’organise : nous échangeons les affaires personnelles, genre chaussettes ou polaires. Je précise que le petit sac à dos que nous portons est destiné aux affaires pour la journée. Après plus d’une heure, nos guides nous font redescendre rapidement jusqu’à High Camp (3950 m) où il y a déjà beaucoup de monde. Dans l’après-midi, nous apprenons que l’ascension finale de ce matin n’a pas pu avoir lieu, une première dans l’histoire du Kilimandjaro, mais surtout qu’il y a des blessés et peut-être un mort parmi les porteurs. C’est la stupéfaction. Dans la soirée, nous avons la triste confirmation du décès d’un de nos porteurs. Nous sommes tous sous le choc. L’ambiance du repas du soir est un peu surréaliste. Notre guide chef nous indique que nous descendons demain matin pour terminer au plus tôt, sans tenter l’ascension du sommet à 5895 m. Cette décision nous satisfait pleinement, vu les circonstances.

 

Jour 8 : High Camp (3950 m) - Mweka Gate (1640 m) - Arusha

Descente dans la forêt pendant 4 h pour un dénivelé de plus de 2300 m, sous la pluie. Dernières signatures sur les registres du parc, déjeuner dans un restaurant un peu plus loin et remise des différents pourboires aux guides, cuisiniers, serveurs et porteurs bien-sûr. Nous disons au revoir à toute notre équipe qui nous a accompagnés pendant cette aventure. Concernant les porteurs, nous apprenons par notre guide chef l’étendue du triste bilan : 3 morts en 2 jours. Avant de rentrer à Arusha, nous nous arrêtons quelques instants chez le porteur décédé de notre groupe pour soutenir sa maman, sa femme et ses deux enfants. Émotion intense.

 

Jours 9 et 10 : Départ de Tanzanie et vol retour

Après le petit-déjeuner, entretien sous tension avec le sous-traitant local de l'agence française. Fermetures des sacs et valises, déjeuner rapide et retour à l’aéroport. Là, à nouveau une triste nouvelle : deux porteurs décédés sur une autre voie, ce qui porte le nombre à 5.

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Source : Internet

Les guides

Au camp de base, certains guides en état de choc ne pouvaient plus assurer leur rôle sereinement. Peut-être un problème de formation ?

Dans l’autre groupe de 10, le drame a été frôlé, puisque Florian montrait les premiers signes d’un MAM, mal aigu des montagnes. Il a fallu que Daniel, son papa, s’en mêle avec l’aide d’un guide assistant qui se trouvait là fort heureusement. Ils sont donc descendus en urgence. Mais où étaient les autres guides ?

Nous avons appris le deuxième jour qu’il y avait un seul caisson hyperbare pour les 2 groupes. Ces 2 groupes marchant séparément, il y a évidemment un problème de sécurité.

Concernant notre guide chef, le seul reproche que l’on puisse peut-être lui faire, c’est sa volonté de vouloir rejoindre le camp de base malgré les conditions climatiques. Quelles informations avait-il pour prendre sa décision ?

 

Les porteurs

Selon la documentation de l’agence choisie, les porteurs sont bien traités et correctement équipés : uniformes spéciaux pour les intempéries, chaussures de montagne adéquates, chaussettes de randonnée supplémentaires, lunettes de soleil… Or nous n’avons jamais vu les "uniformes spéciaux" et les "chaussures de montagne adéquates", c’était plutôt des baskets. Ce qui peut expliquer le décès des porteurs, probablement par hypothermie. Quand il fait beau, tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais quand les conditions climatiques se dégradent, sans être extrêmes, c’est le drame.

Ils ne doivent pas porter plus de 20 kg en tout temps. Or c’est forcément plus de 20 kg, puisqu’en plus de porter 2 sacs de 10 kg, ils ont leurs affaires personnelles.

De plus, nous n’avons jamais vu la totalité des porteurs. Nous soupçonnons donc que le chiffre annoncé, par exemple 36 porteurs pour le groupe de 9, est théorique et ne correspond pas à la réalité.

 

Retour sur l’épisode Facebook

Avant de quitter la Tanzanie, j’avais publié une information sur ma page Facebook du Randonneur Fou, mentionnant les drames des porteurs et les mauvaises conditions climatiques nous empêchant d’aller au sommet. Les choses se sont emballées : près de 1000 vues en 24 h avec une accumulation d’insultes violentes. Pour résumer, j’allais exploiter les africains, voire les faire mourir, pour l'adrénaline. Je n’ai pas besoin de ça, ayant déjà un fort sentiment de culpabilité, tristesse et peine. J’ai donc fermé cette page Facebook. Dommage, c’est un bel outil de communication.

Je tiens à apporter quelques précisions. Il faut bien appréhender le fait que nous n’avons pas la même culture. Il faut savoir qu’en Afrique noire, si tu veux manger, tu dois travailler. Cette économie touristique, alimentée par les agences de treks, est donc une opportunité pour ces porteurs et leurs familles. A tel point que la mise en place de structures en dur sur le Kilimandjaro n’est pas à l’ordre du jour. Cela pourrait réduire le besoin en nombre de porteurs. Il vaudrait mieux se pencher sur leurs conditions de travail. Mais surtout, il ne faut pas se tromper de responsable.

 

Conclusions

Pour le sommet du Kilimandjaro que nous n’avons pas pu atteindre, disons que c’est la faute à "pas de chance". Ou plutôt la faute à une tempête provenant de l’océan Indien et qui a touché la Tanzanie. Je suis personnellement bien déçu car, comme toute l’équipe, j’étais en bonne condition physique et bien acclimaté. Le sommet ne présentait donc pas de difficultés particulières en y allant polépolé (doucement en swahili).

De mauvaises conditions climatiques peuvent être dangereuses à haute altitude. D’une manière plus générale, ce trek se déroulait pendant la petite saison des pluies. Donc la pluie et le brouillard peuvent s’expliquer. Nous n’avons eu que 2 demi-journées ensoleillées. Du coup, la crème solaire n’a pas beaucoup servi.

Nous avons eu affaire à une équipe encadrante et à du personnel aux petits soins pour chacun d’entre nous, toujours serviable et souriant. Nous avons très bien mangé, avec des repas équilibrés, variés et copieux. Les consignes de sécurité nous ont été communiquées régulièrement.

Pour terminer positivement, j’ai passé de très bons moments avec les autres participants. Des personnes sympathiques et intéressantes avec lesquelles j’ai beaucoup appris, humainement et sportivement. Merci Bertrand, Martine, Hervé, Annette, Mouâd, Jawad, Pauline et Jean. C’était un groupe très soudé, qui l’est encore suite à ce que nous avons vécu.

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Source : Internet

Mise à jour de juin 2019

Certains participants, et j'en fais partie, ont tout fait pour faire connaître ce drame, et surtout mettre en avant les conditions de travail des porteurs du Kilimandjaro. Je suis donc à l'initiative d'un article de presse et d'un dernier courrier adressé aux différentes agences, courrier resté sans réponse à ce jour. Ces agences de voyages sont : Huwans, Atalante, Stagexpé dépendant du groupe Altaï. Au vu des différents échanges qui ont suivi le drame, je les déconseille fortement.

D'autres participants ont envoyé des mails à l'ambassade de Tanzanie, en Belgique et en France. Des mails ont été adressés également à : Ministry of natural resources and tourism, Tanzania national parks, Kilimandjaro national park, Tanzania association of tours operators, Kilimandjaro association of tours operators, Kilimandjaro guides association, Kilimandjaro porters association, Tanzania porters organization. Certains nous ont répondu, hélas sans suites et sans effets.

Il reste une question en suspens : fallait-il "faire" le Kilimandjaro ? Si certains ont des avis bien tranchés et accusateurs sur le sujet, je me pose la question tous les jours. Une chose est sure : je privilégie maintenant les randonnées, peut-être moins lointaines, mais où je porte moi-même mes petites affaires. J'exclue donc celles où des porteurs sont proposés par les agences.

Commentaire de Françoise V., le 30/10/2018

Mis à part le très mauvais temps, rien ne t'arrête. Bravo et continue. Profite de la vie pendant que notre planète est encore fréquentable.

Commentaire de Marie V., le 30/10/2018

Comme à chaque fois "on" attend ton retour avec impatience pour découvrir une nouvelle aventure. Quelle tristesse de ce qui s'est passé et qui aurait probablement pu être évité... J'imagine bien aussi ta déception de ne pas pouvoir être allé au sommet. Les événements et les éléments ont eu raison cette fois ci, mais je sais que tu n'as pas dit ton dernier mot ! Bonne continuation à mon randonneur (fou) préféré.

Commentaire de Marie-Laure H., le 30/10/2018

Comme toujours avec tes explications et tes photos tu nous permets de nous évader ! Merci tout plein.

Commentaire de Pierrette N., le 31/10/2018

Une nouvelle expérience pour toi. J’ai regardé sur Facebook . Tu n’as pas à culpabiliser car je pense que ces personnes connaissent les risques. C’est triste mais malheureusement on n’a pas le pouvoir de changer la condition humaine.

Commentaire de Frédéric L., le 31/10/2018

Merci pour le partage. Je viens d'en finir la lecture. Quelle aventure...

Commentaire de Christophe R., le 02/11/2018

Nous sommes bien sur déçus que tu n'ai pu atteindre le sommet mais il te restera un immense et beau souvenir. Quant à la polémique sur Facebook,  on s’aperçoit que les gens réagissent à chaud sans avoir de profondeur et qu'on ne peut avoir de véritable débat. C'est pourquoi désormais je me limite à mettre des photos ou souvenirs à partager avec amis et famille, sans sujets polémiques. Mais rassure toi je sais que tu n'es pas là pour exploiter les gens !

Commentaire de Catherine D., le 02/11/2018

Je viens de lire ton récit, et je constate que la météo a fait des siennes cette année. Je ne suis pas surprise par ce que tu dis concernant les charges des porteurs. Ils portent toujours plus que ce que la législation prévoit, c'est le business ! Mon trek, au Garwhal, en juillet, s'est mal passé également (mousson). Nous avons dû faire demi-tour... Je préfère mille fois mieux les treks que j'ai fait seule, ou avec des amis au Népal. Si tu veux voir les plus belles montagnes, va dans ce pays merveilleux.

Commentaire de Mhmh, le 04/11/2018

Je suis évidement déçue pour toi que l'ascension du sommet n'ait pu avoir lieu; merci pour ton très beau récit.

Commentaire de Claudine V., le 11/11/2018

Je suis la maman de Malaïka et je suis une "ancienne déléguée syndicale". Vous comprenez donc que je suis scandalisée et même traumatisée par ce que Malaïka a vécu. Je suis choquée par les conditions de travail réelles des porteurs et le non-contrôle du respect des principes de l'organisation Kilimanjaro Porters Assistance Project. En effet, des principes de "travail respectueux" est une chose positive, une autre est de les contrôler sur le terrain. Merci de votre solidarité avec les membres de votre groupe et avec les porteurs.

Commentaire de Aline T., le 11/11/2018

Vous avez bien fait de dénoncer ces faits. Le tourisme à tout prix ne doit pas mener ces pauvres gens à la mort.

Commentaire de Colette R., le 12/11/2018

J'ai rêvé puis déchanté puis partagé tes émotions. En déchargeant du mépris sur la page Facebook que tu avais utilement créée, les réseaux sont tout sauf sociaux. Nous avons beaucoup à écouter des autres civilisations, sans prétendre changer le monde. Tu as fait un drôle de voyage mais c'est un voyage... Amitiés d'une petite randonneuse très moyenne montagne à toi, tes compagnes et compagnons.

Commentaire de Albert K., le 24/11/2018

Wow, un sacré voyage et une sacrée ascension ! Mais quelle fin tragique !

Pour des images plus grandes, cliquer sur la galerie et utiliser les flèches du clavier :-)

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